Festival Les Artefacts @ Zénith De Strasbourg
C’est devenu une tradition, voire même une institution : chaque année au printemps, période d’éclosion des bourgeons et des festivals, renaissent les Artefacts avec leur cortège d’éclectisme, de mélange des cultures, de brassage des atmosphères.
Aussi après deux soirées faisant pour l’une la part belle à l’électro Pop (The Prodigy, Shaka Ponk), et pour l’autre à la New wave (Parov Stelar), la troisième et dernière journée du festival appartint…. aux filles ! Et c’est ainsi qu’on a pu voir se succéder sur la scène du Zénith de Strasbourg (version réduite pour l’occasion) les charismatiques Théodore, Paul & Gabriel, la compatriote de Bjork Emiliana Torrini, les toulousains de Cats On Trees, la bouillonnante Izia et enfin la louvaniste choucroutée Selah Sue.
Avant tout - une fois n’est pas coutume - prenons le temps à la fois de remercier et de féliciter les organisateurs des Artefacts pour la programmation une fois encore de qualité, une sonorisation et des lumières absolument irréprochables, une ambiance détendue mais tenue (loin des bains de boue de certains festivals, parisiens notamment) et, suffisamment rare pour être souligné, l’emploi d’agents de sécurité compréhensifs et courtois…. Parfois l’Alsace parait totalement déconnectée du reste du pays !!!
Théodore, Paul & Gabriel, soient - comme leur nom ne l’indique pas - trois filles et deux garçons, ont la lourde tâche d’ouvrir les hostilités. Pantalons fourreaux dorés, Repetto noires, blouson en cuir : le début des années 90 se cache visiblement à l’orée du bois. Et les compositions sont à l’unisson, évoquant parfois Sharleen Spiteri et le Texas des débuts, flirtant quelquefois avec des accents de l’ouest américain, mais toujours avec légèreté. A d’autres moments les vents qui soufflent sur les chansons se font plus frais, viennent du nord, et les filles de reprendre Arcade Fire et A-AH. Mais le son est ample, précis. Les arrangements sont soignés, en particulier au niveau des cœurs qui viennent joliment souligner la voix subtilement éraillée de Clémence Gabriel. Une belle découverte (que les Inrocks en particulier s’étaient chargés de découvrir avant nous !!!), des talents à suivre, notamment au travers de leur dernier album « We Won’t Let You Down ». Les photos.
C’est sur les bases de ce qui s’annonce comme une grande soirée qu’EmilianaTorrini s’empare de la scène pour, comme toute islandaise qui se respecte, et comme le précise sa maison de disque, « faire souffler le chaud et le froid à travers une musique inspirée». En l’occurrence le froid doit prendre une place prédominante et le chaud rester bouillonnant à l’intérieur car, bien que la sensibilité et la conviction de la jeune artiste soient indéniables, les compositions restent fades et plates, sans envolées, sans modulation, avec un rythme et un gimmick unique du début à la fin. Tout ceci m’a immédiatement évoqué Bat For Lashes, et j’avoue avoir écourté légèrement le show pour aller savourer les premiers rayons du soleil printanier ! Les photos.
En revanche la sensation a été différente pour la prestation des toulousains de Cats On Trees, dont je ne connaissais quasiment rien à l’exception des quelques titres alimentant les radios FM. Et force est de reconnaitre que ce fut une très agréable surprise. Le show est parfaitement taillé pour les grandes salles ou les festivals de plein air, et les éclairages en particulier sont très léchés, redoutablement efficaces. Il est juste un peu dommage que les cordes soient cachées derrière les deux protagonistes principaux, car à mon sens ça les place un peu en marge du concert alors qu’elles y jouent un rôle primordial. Yohan dispense un jeu puissant, pas forcément très démonstratif mais fort et pêchu. Quant à Nina, c’est définitivement elle qui tient la boutique. Passant du tambour au piano, du chant velours à la voix enragée, les registres s’empilent et la musique monte et descend sans arrêt, peut-être à l’image des montagnes qui forment le décor de scène… Le public ne s’y trompe pas et participe allègrement, dès le troisième morceau (Sirens Call) envoyé comme un signal pour dire qu’enfin les choses sérieuses commençaient. Les photos.
Quasiment trois ans jour pour jour après son dernier passage sur la scène du zénith de Strasbourg Izia revient en Alsace défendre cette fois-ci son nouvel album entièrement composé en Français, sorti il y a deux semaines, et qui s'intitule « La Vague ». Et de déferlante il est question tant la jeune femme généralement dégage une énergie qui balaie tout sur son passage. Pourtant, on pensait que la musique s'était égarée du côté de l'électro pop, que la voix s'était faite plus sage, que l'électricité des guitares avais laissé la place aux claviers synthétiques emblématiques des années 80. Mais c'était sans compter sur le rock 'n' roll animal gravé en chacun des gènes de la fille du grand Jacques, qui transpire le rock par chacun des pores de sa jeune peau… Les guitares, bien qu’en retrait, ne sont jamais très loin. Les parties de batterie sont sauvages, la basse attaquée âprement à grands coups de médiator. Mais la sophistication des nouveaux morceaux a fait enfler le combo qui désormais compte pas moins de six membres, ce qui débouche parfois sur quelques incompréhensions entre les artistes et engendre des séquences de haute voltige… L'entrée en matière se fait dans une ambiance très atmosphérique, lumière tamisée, clavier bourdonnant. Mais ce sont définitivement les anciens morceaux (So Much Trouble, Twenty Times A Day, Disco Ball) qui font monter la sauce et qui permettent de faire lever une paupière ou esquisser un battement de pied à un public définitivement mou et atone. D'ailleurs Izia se plaindra à plusieurs reprises de la configuration de la salle qui, il est vrai, ne favorise pas forcément la proximité entre le public les artistes. On peut aussi s'étonner de voir Sébastien Hoog complètement en marge, le regard perdu dans l'éther et semblant désespérément tenter de rattraper le train en marche au lieu de le conduire comme il le faisait jusqu'alors...bref on sent qu'il y a eu des moments plus faciles dans la vie du groupe...
Néanmoins, la tigresse n'aura de cesse de se battre jusqu'à la dernière seconde pour faire monter l'ambiance, allant même jusqu'à modifier la setlist pour y incorporer en cours de route l'incontournable "Let Me Alone", véritable machine à bouger et imparable tube. Mais même en abattant sa botte secrète, le public restera sur la réserve et désertera peu à peu la salle, composée en grande partie il est vrai de citoyens d'outre-Rhin, venus majoritairement pour applaudir la flamande Selah Sue et qui ont dû rester insensibles aux sirènes de la langue française.
Pourtant, même si on a le sentiment de ne pas complètement retrouver ses repères, ne boudons pas notre plaisir : les nouvelles compositions passent extrêmement bien en live, les anciens morceaux sont revisités avec fraîcheur et la fougue, la ferveur et le talent d'Izia suffisent à faire de chacun de ses concerts un moment intense et inoubliable. Les photos.
Pourtant, même si on a le sentiment de ne pas complètement retrouver ses repères, ne boudons pas notre plaisir : les nouvelles compositions passent extrêmement bien en live, les anciens morceaux sont revisités avec fraîcheur et la fougue, la ferveur et le talent d'Izia suffisent à faire de chacun de ses concerts un moment intense et inoubliable. Les photos.
Quant à Selah Sue, dont la prestation clôture la soirée, elle fait une entrée princière et altière sur le très planant « Alive », dont les accords de clavier font bourdonner les murs du Zénith. Plantée sur des talons-échasses, chemisier blanc et choucroute à la Amy Winehouse version châtain clair, c’est un tonnerre d’applaudissements qui accueille la jeune flamande et une salle qui s’est emplie de nouveau, confirmant les soupçons précédents d’une importante présence étrangère. Dès le second titre les rythmes se font rapides, marqués souvent par une basse aux accents jamaïcains. Les arrangements sont amples, généreux, preneurs d’espace. On croirait une Shirley Bassey Soul à la sauce Reggae ! Lorsque la chaleur commence à envahir le Zénith, Selah se saisit de sa guitare et fait s’évaporer– temporairement – l’électricité qui montait dans l’air. Ces quelques passages acoustiques permettent d’ailleurs d’apprécier tout le talent de la demoiselle dont la présence scénique est incontestable. Et en stratège de talent, la belge a su élaborer une setlist allant crescendo pour enfin réveiller la salle (il aura fallu pas mal d’effort quand même !), qui sera définitivement conquise aux premières notes de « Raggamuffin », « Crazy Vibes » ou « Alone ». Les photos.
Vous avez aimé ? Nous aussi et même si l’atmosphère aurait pu être un peu plus chaude, ça reste toujours plus agréable que n’importe quel festival parisien…. Alors vivement la prochaine édition Artefactuelle.