Chris Jagger @ Au Camionneur, Strasbourg
Chris Jagger en tournée française, posant ses valises temporairement au Cam' de Strasbourg.
Le live report est sur Strasbourg Acoustik.
On
dit souvent que la vraie vie est faite de nuances, que rien n’est
complètement blanc ou noir mais qu’au contraire tout est en dégradés,
passant par tous les intermédiaires de gris. Cependant à la vue de
Chris Jagger en train d’enfiler ses Santiags sur le bord de la scène
trente secondes avant de l’investir, on se prend à penser qu’il y a
quand même parfois des contrastes assez violents.
Chris
Jagger est, comme son frère ainé, né à Dartford dans les années 40.
Comme son frère ainé il a grandi dans la banlieue londonienne
d’après-guerre au son de Robert Johnson, de Son House Jr, de Willie
Dixon, d’Howlin’ Wolf… Comme son frère ainé il a toujours voulu devenir
musicien et a appris le chant et la guitare. Et comme son frère ainé la
seule chose qui l’a toujours fait vibrer était de monter sur scène pour
jouer sa musique.
Mais Chris Jagger, à l’inverse de son frère, n’était pas sur le quai de la gare de Dartford le 17 octobre 1961.
Et
en ce jeudi soir, dans le cadre chaleureux et intimiste du Camionneur,
ce n’est pas une nouvelle nuance de gris mais bien l’un de ces
contrastes saisissants nous saute violemment au visage. Alors que le
frère Mick s’apprête à remplir le Staples Center de los Angeles pour le
cinquantième anniversaire de ses pierres qui roulent, Chris délivre son
folk blues Zydeco aux quelques rares clients, en grande majorité
anglophones, venus diner dans la salle strasbourgeoise. Quand Mick vend
des places de concert à 600 $, Chris est obligé de faire le taxi ou le
journaliste pour finir le mois et passe lui-même de table en table pour
faire la promotion de son dernier opus !
Mais
l’homme a fini par s’accommoder de sa situation et en a retiré une
générosité et une gentillesse hors du commun. Lorgnant régulièrement sur
sa montre, il invite ses acolytes du trio acoustique à démarrer à 21h30
précise, simplement par respect du public et des organisateurs.
Empoignant une guitare acoustique il entame un premier set parfumé aux
épices cajuns et zydecos, flanqué du très stoïque David Hatfield à la
contrebasse et de la très british Elliet Mackrell au violon et au
didjeridoo. L’ambiance du sud des Etats-Unis, du bayou, de la Louisiane,
parsemée d’accents folk irlandais, envahit facilement le Camionneur. La
musique de Chris est taillée pour les pubs et elle joue ici
parfaitement son rôle. Dès que l’interprète marque le rythme du talon de
sa Santiag, le public lui emboite le pas et frappe des mains. Elliett
Mackrell, aérienne, ponctue le tout de quelques phrases de violon
interprétées sans retenue mais tout en finesse. Entre les morceaux,
Chris s’aventure de temps en temps à parler un peu français, trouvant
même extraordinaire que des froggies soient allés s’installer à Bristol,
là où il réside désormais !
La
seconde partie démarre sur une orientation beaucoup plus tournée vers
le blues. Le groupe enchaîne les reprises des standards de Willie Dixon
ou d’Elmore James (Dust My Broom), Chris faisant glisser son bottleneck
sur sa guitare à cinq cordes (serait-ce un certain Keith R. qui lui
aurait suggéré d’enlever la sixième ?). Elliett dispense quelques
touches de didjeridoo tandis que David reste impassiblement accroché à
sa contrebasse, sans bouger d’un iota, quels que soient le style ou le
tempo. Mais la musique rebascule petit à petit vers le folk et le cajun
qui finiront par s’imposer jusqu’à la fin du set.
Ce
soir on était très loin du Staples Center, des effets pyrotechniques et
des tubes internationaux, mais on était sans doute beaucoup plus proche
de l’authenticité, de la musique, la vraie, celle destinée à toucher
directement le cœur des gens et à partager quelques moments de bonheur
musical. Good job, mister Jagger !
Line-Up :
Chris Jagger : Vcls, gtr
Eliet Mckrell : violon, didjeridoo
David Hatfield : Contrebasse
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